Photo by Daniel Brubaker on Unsplash

Cela fait de nombreux mois que je joue en jeu de rôle en ligne, depuis fin de l’année 2019. Évidemment, comme beaucoup, ma pratique du jeu de rôle distanciel s’est démultipliée durant le confinement. J’ai réduit le rythme depuis, et repris partiellement le mode présentiel selon les périodes possibles, pour autant, je continue de jouer beaucoup en ligne.

En un an maintenant, j’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé dans mon jeu en ligne. Outre la partie gestion des logiciels, que je n’aborderai pas ici (parce que je pars du principe que vous avez une bonne idée de vos logiciels, et si ce n’est pas le cas, de nombreux tutos existent voire n’hésitez pas à venir nous poser des questions !), j’ai vraiment l’impression d’avoir un jeu qui me plaît plus (et pas que en ligne d’ailleurs, je pense que ça a aussi amélioré mon jeu de rôle présentiel). Et cette amélioration vient de nombreux conseils reçus ici ou là, ou d’expérimentations personnelles, voire de sensations et sentiments partagés à la fin d’une ou plusieurs parties.

Du coup, j’aimerai vous retranscrire tout ça en quelques conseils. Et comme c’est l’essence du Nonobstant Café (https://discord.gg/uRHuAjd n’hésitez pas à nous rejoindre), je compte partager tout cela avant avec toutes et tous ceux qui le voudraient pour réunir le plus de conseils pertinents. Qu’ils soient ici mille fois remercié·e·s.

  • Petit rappel technique tout de même
    Par rapport au JdR en présentiel, prévoyez un temps supplémentaire de réglages techniques, surtout si une ou plusieurs des joueuses ne connaît pas encore les outils utilisés (que cela soit les fonctions essentielles, ou le casque, le micro voire l’éventuelle caméra). N’hésitez pas à demander en cours de jeu si tout le monde vous reçoit bien, ou à signaler rapidement tout problème technique. Sérénité garantie pour toutes et tous !

  • Conseil liminaire : Jeu de rôle présentiel ≠ jeu de rôle en ligne
    Posons tout de suite une affirmation qui est pour moi essentielle : à mon avis, c’est une erreur d’essayer de comparer jeu de rôle dit en ligne et jeu de rôle dit présentiel. Pourquoi me direz-vous ? Et bien parce que ce sont deux activités différentes, ayant chacune leurs propres particularités. Si on reprend l’Histoire, tout a été conçu pour le jeu de rôle présentiel. Les livres de règles, les cartes, les systèmes de règles, les positionnements autour de la table, l’articulation meneur-joueuse, etc. Et, il faut le dire de suite : Inutile de chercher à retrouver l’identique sur du jeu de rôle distanciel. Pas qu’il ne soit pas possible de transposer certaines choses, de faire des adaptations, mais retrouver l’identique via une interface électronique ? Impossible. C’est à mon sens d'ailleurs le principal écueil quand on se lance dans le jeu de rôle distanciel : tout comparer à l’aune du jeu de rôle présentiel. Pour moi, ce sont deux activités qui ont un fond commun, mais qui sont in fine différentes. Si je le mets ici, c’est parce que pour pouvoir apprécier le jeu de rôle en ligne, vraiment l’apprécier, il faut cesser de le considérer comme un jeu de rôle “de remplacement” ou un “pis-aller”.

  • L’importance de la voix et de l'ouïe
    C’est le sens principal sollicité. Au départ, vous aurez sans doute du mal à reconnaître la voix de vos différents partenaires de jeu et eux également. Introduire ses propos par “Ragnar dit …” peut donc être très utile tant que vous n’en êtes pas familier.
    Écoutez les autres joueurs et joueuses. Même si les apartés sont possibles sur un autre canal audio, ou à l’écrit, il n’y a qu’une personne qui parle en même temps à la table. C’est d’ailleurs quelque chose qui va se faire sentir naturellement en ligne, et qui pourrait être facilement réutilisé dans une table en présentiel !

    • Pour repérer à qui appartient chaque voix on peut aussi prendre l'habitude de jeter un oeil sur le logiciel utilisé pour l’audio. La plupart d'entre eux souligne qui est en train de parler.

    • Il est également plus difficile de deviner instinctivement si chacun a eu sa juste part de parole, le moment où quelqu’un veut intervenir dans une intervention. Soyez donc systématique : vérifiez régulièrement que chacun a pu dire ce qu’il voulait, de préférence au bon moment.

    • Il est également possible de mettre en place des phrases codifiées pour dire que la parole peut être prise par quelqu’un d’autre : “fini” par exemple, ou simplement “stop”.

    • Il faut aussi être bien plus attentif au niveau de l’écoute. Le feedback est sonore plutôt que visuel, ce qui peut s’avérer également plus fatigant qu’une partie en présentiel, notamment dans le rôle de MJ.

  • Décrivez les émotions de votre personnage
    C’est souvent ce qui est cité comme un manque lors des parties en ligne. On ne peut plus voir sur les visages les expressions, les mimiques. On ne peut plus lire les positions corporelles. La caméra est souvent considérée comme étant la panacée mais outre le fait qu’elle ne permette pas une vision claire, elle a tendance à consommer beaucoup de bande passante (et peut donc détériorer le son, ce qui peut rendre la partie insidieusement fatigante et frustrante). Alors voilà mon conseil : décrivez. Que vous soyez MJ, mais aussi joueuse ou joueur. N’hésitez pas à dire que votre Prufpruf le barbare a les épaules tombantes et le regard triste en voyant le cadavre de son féroce loup de guerre tombé au combat.

    • Contrairement aux apparences, de mon expérience, ça ne casse jamais l’immersion des autres autour de “la table”.

    • Par contre, ça entraîne nécessairement un focus plus grand sur les émotions et les évolutions du personnage, puisque le temps passé à expliciter ce genre de détails est décompté de la partie.

    • À titre personnel, je trouve que ça ne fait que renforcer l’importance des autres personnages, notamment parce qu’en ne voyant pas les autres joueuses, je peux me concentrer sur les personnages, ce qu’ils sont, leurs émotions, voire leur évolution.

    • À titre personnel, j’ai continué à le faire en présentiel aussi parce que je me suis rendu compte (et je n’étais pas le seul, nous sommes nombreuses et nombreux) que souvent, mes mimiques ou mes positions corporelles pouvaient être mal interprétées, notamment quand le personnage n’est pas activement en train de parler. Maintenant tout est clair pour moi : ce que je dis c’est ce que mon personnage fait. Mes positions en tant que joueur sont distinctes de celles de mon personnage, je me sens plus libre.

  • Ayez confiance
    J’ai souvent entendu la plainte comme quoi les joueurs peuvent faire autre chose sans que le meneur ne puisse le voir et donc n’a pas de retour sur ce qui plaît ou non. La même impression existe d’ailleurs pour les joueuses autour de la table virtuelle soit dit en passant.

    • Pour moi c’est un non argument. Le jeu de rôle en ligne m’a appris ça de façon très claire. Peu importe ce que chacun fait, en réalité, tant que tout le monde s’amuse. Chacun a plusieurs cordes à son arc : certains aiment rester totalement concentrés, d’autres ont besoin de papillonner. Certains savent faire plusieurs choses à la fois et d’autres non. Certains peuvent apprécier de ne rien faire que d’écouter les autres jouer et en tirer un plaisir quasiment identique au jeu. La plupart des retours que j’ai eu témoignent de joueurs qui apprécient de pouvoir ainsi mieux se concentrer en ligne sur le plaisir de jeu d’autant que les parties sont généralement plus courtes (environ 3 heures).

    • Du coup, faites confiance. Faites confiance. Faites confiance. Si vos joueuses s’ennuient, faites leur confiance pour qu’elles vous le disent. Et dites-leur aussi que vous êtes prêt à l’entendre. Tout se passera mieux. Si vous dites que vous êtes à l’écoute, soyez assuré que tant que vous n’entendez pas de gens se plaindre, c’est que tout va bien. Même si ça ne vous dispense pas de croiser cette information avec d’autres indicateurs, bien sûr.

    • Et si vous vous trompez, si vous avez besoin de temps pour corriger un problème, ou retrouver une information cruciale, dites-le tout simplement. Vos partenaires de jeu seront compréhensifs et complices, vous venant en aide, patientant en vous attendant si nécessaire, voire s’accordant une courte pause. Il vaut mieux prendre quelques minutes pour rebondir plutôt que de stresser et de mettre à mal votre plaisir, et au final celui de tout le groupe.

  • En ligne comme sur table, il peut arriver que vous ne trouviez pas de terrain d’entente sur l’investissement demandé par le jeu pour que chaque partenaire de jeu soit satisfait… En parler peut aider, mais parfois il n’y a rien d’autre à faire que de recomposer un groupe.

  • Profitez des outils numériques
    S’il y a un seul avantage à jouer en ligne, c’est bien celui-là ! Les outils numériques sont nombreux. En voici quelques-uns qui sont très pratiques et qui ont changé ma façon de faire du jeu de rôle :

    • Les notes partagées : L’avantage de jouer en ligne c’est que tous les logiciels permettent aujourd’hui de partager un espace de notes. Des notes partagées entre tous les joueurs et le meneur. Qui se retrouvent d’une semaine sur l’autre. Et qui se suivent. Faciles à exporter à la fin, et à mettre en un unique PDF. Selon les outils, il est même possible d’agrémenter ces notes avec des illustrations, des liens entre les personnages, ou d’autres possibilités.

    • Le chat : Quasiment tous les outils, voire même certains mieux que d’autres, permettent d’écrire en parallèle du vocal. N’hésitez pas à en profiter ! En ce qui me concerne par exemple, je fais mes commentaires “méta” par ce moyen, de même que mes blagues extradiégétiques, voire je poste des GIFS, ou des images. Réagissez aux actions des autres joueuses : des cœurs, des pouces levés, des larmes, les emojis offrent une gamme d’expressions (faciales ou non) parfaitement lisibles. Encouragez-les, montrez que vous suivez, c’est important pour casser l’impression d’isolement qu’on peut avoir chez soi devant son micro ! Et ça ne fait que renforcer d’ailleurs l’immersion à l’oral puisque seuls les personnages et l’univers sont matérialisés en vocal. Si tout le monde l’observe (ce n’est pas toujours possible, tout le monde n’a pas toujours un écran assez grand, ou la capacité à suivre facilement à la fois le chat, la conversation et peut-être leur propre fil de pensée, une vérification dans les règles…), le chat peut servir d’outil de prise de parole, ou pour lancer quelque chose de mineur en parallèle, voire une introduction dans la scène en cours. Ou un dialogue sotto voce.

    • Les apartés : Les outils peuvent permettre d’ailleurs de faire des conversations parallèles entre différents personnages, ou entre un personnage et le meneur. Les messages privés ou des droits spécifiques sur certains canaux sur Discord, les /whispers de Roll20 permettent ainsi à plusieurs personnages de partager secrètement des informations tandis qu’ils se sont éloignés par exemple. Un must-have pour des jeux à secrets, plus de petits papiers échangés au-dessus du paravent à la vue de tous !
      Les apartés peuvent être préparés à l’avance et les messages envoyés qu’au moment souhaité.

    • Une multitude de possibilités de jets de dés : Les jets de dés peuvent être publics dans une application, privés dans un salon à part, ou encore secrets en les lançant avec des dés physiques.

    • Pas facile d’identifier les autres, surtout si vous ne les connaissez pas réellement : entre leur “vrai” prénom, leur pseudonyme habituel en ligne et le nom de leur personnage, il y a de quoi se planter. Préférez utiliser le nom du personnage pour vous simplifier la vie. Dans le vocal ou le chat utilisé, il est préférable que chacun prenne pour pseudo le nom de son personnage (ou le mette au minimum entre parenthèses).

    • L’automatisation : Pour certains jeux, tout est possible via les bons outils et macros. Un seul clic et tout est lancé, les dégâts sont appliqués voire même directement impactés sur les points de vie de l’ennemi. Attention quand même à ne pas tomber dans l’excès et à tout vouloir automatiser/préparer. Cela peut finir par vous empêcher de vous lancer, ou de jouer assez fréquemment.

    • Ne restez pas seul, tournez-vous vers les communautés de jeu de rôle en ligne. Elles ne manquent pas de rôlistes sympathiques prêts à vous venir en aide, à répondre à vos questions, vous orientant vers les outils ou le matériel adaptés à votre projet, les tutoriels, les templates, les bons conseils, les trucs et astuces facilitant l’expérience.

  • Adaptez vos façons de concevoir le jeu/scénario
    Certaines choses faciles en présentiel sont très difficiles en ligne et inversement.

    • Pour les systèmes : Certains systèmes sont plus adaptés que d’autres. Il faut prendre le temps de réfléchir à ça. Par exemple, tout le matériel de jeu tactile est difficile à reproduire en termes de sensations. Ce n’est pas pour autant impossible, mais ça rend les choses plus compliquées. De même que les jets qui doivent être faits en parallèle comme dans Shadow of the Demon Lord par exemple sont délicats si l’on ne joue pas via un VTT (Virtual Table Top). Les systèmes à jeux de cartes sont par contre assez faciles à mettre en place. Mais tout cela dépend des outils que vous utilisez : Roll20 n’est pas Miro, et ils sont tous deux différents de Let’s Role ou d’un document texte partagé. À vous de voir si vous préférez adapter votre partie aux outils que vous maitrisez, ou utiliser un outil potentiellement plus adapté.

    • A l’inverse, le jeu de rôle en ligne amène souvent une plus grande facilité pour exposer des illustrations, trouver une information, individualiser les PNJ et les garder différents les uns des autres. Certains logiciels permettent même un import à la volée d’un PNJ qui viendrait d’être inventé sur le pouce. Cela entraîne par contre un travail plus important du meneur s’il le souhaite pour personnaliser ses PNJ à l’avance. Internet est aujourd’hui une source infinie d’illustrations pour personnaliser ses parties.

    • De nombreux outils existent aujourd’hui en ligne pour préparer une partie à la volée : donjons générés aléatoirement, tables aléatoires etc.

  • Ne soyez pas non plus prisonnier de vos outils

    • Aucun outil n’est vraiment nécessaire pour jouer au jeu de rôle en ligne. Ni les battlemaps, ni les tokens, ni les lignes de vues, ni des milliers de PNJ. A part un logiciel de conversation en ligne, c’est comme en présentiel : rien de particulier n’est nécessaire pour faire du jeu de rôle. Ne vous mettez pas une pression particulière sur ce qu’attendent les joueuses ou le meneur, parce que c’est en ligne.

    • Si une automatisation est mal paramétrée, si vous ne vous rappelez plus comment utiliser tel point particulier de l’interface, mieux vaut faire les choses manuellement (prévoyez toujours quelques dés physiques à lancer et le bon vieux papier/crayon) que de perdre du temps de jeu sur de la manipulation technique.

    • Le mieux est l’ennemi du bien : il y a tellement de possibilités pour améliorer ou personnaliser les parties en ligne qu’il est juste impossible de tout faire, et encore plus de tout faire correctement. Faites vos choix : cette-fois ci des fonctionnalités plus avancées de la table virtuelle, celle-là de la musique, ou des illustrations, l’inclusion du chat, ou un nouvel autre outil ou une nouvelle technique.

    N’attendez pas de tout maîtriser, jouez !

Participant·e·s : Cuillère, Dithral, Doji Satori, Ego’, Gherhartd, Kandjar, Uzz.